Tintin au Congo : une réédition en couleurs qui ravive la polémique coloniale

Tintin au Congo : une réédition en couleurs qui ravive la polémique coloniale

Le 1er novembre dernier, une nouvelle édition de « Tintin au Congo », l’une des aventures emblématiques de Tintin, est discrètement réapparue dans les rayons des librairies.

Cette édition, cependant, est loin d’être ordinaire. Non seulement elle est colorisée, mais elle est également accompagnée d’une préface qui replace l’album dans son contexte colonial. Retour sur cette sortie qui ravive la controverse autour de l’œuvre d’Hergé.

Le retour de Tintin au Congo

« Tintin au Congo, » créé par le célèbre dessinateur belge Hergé, a été publié pour la première fois en 1930-1931 en noir et blanc dans le journal « Le Petit Vingtième » avant de paraître en volume en 1931. Cette fois-ci, l’album fait son retour dans une version colorisée, marquant une nouvelle étape dans son évolution.

L’album est inclus dans un coffret intitulé « Les colorisés, » sorti le 1er novembre, aux côtés de deux autres aventures de Tintin : « Tintin au pays des Soviets » (1930) et « Tintin en Amérique » (1932). Bien que cette sortie soit d’une importance considérable, l’éditeur, les éditions Moulinsart et Casterman, ont choisi de la faire en toute discrétion, sans grande publicité.

Une préface historique

La véritable surprise de cette édition réside dans sa préface. Pour la première fois, « Tintin au Congo » est accompagné d’une introduction qui contextualise l’album et aborde ses thèmes controversés, liés à la colonisation.

L’auteur de cette préface n’est pas un observateur neutre, mais Philippe Goddin, un expert de la bande dessinée qui préside l’association « Les Amis de Hergé. » Il a minutieusement étudié les sources iconographiques et textuelles utilisées par Hergé pour créer cet album et ne voit pas en lui un auteur raciste. Selon lui, Hergé n’a pas cherché à dénigrer ou à rabaisser l’autre, ce qui est essentiel pour qualifier un travail de raciste.

Philippe Goddin explique dans sa préface que « Hergé s’est moqué allègrement de tout le monde, qu’ils soient Blancs ou Noirs. » Il rejette ainsi l’accusation de racisme et estime que l’album doit être compris dans le contexte de son époque.

Des réactions contrastées

Cette préface a suscité des réactions contrastées. Certains estiment qu’elle contribue à minimiser les aspects controversés de l’album, tandis que d’autres la considèrent comme une tentative de réhabilitation de l’œuvre d’Hergé. L’historien Pascal Blanchard, spécialiste de l’imaginaire et de la propagande colonialistes, remet en question la préface en déclarant qu’elle n’aborde pas suffisamment les problématiques liées à la colonisation.

De son côté, le Conseil représentatif des associations noires (Cran), un collectif français, a salué la préface de 2023. Selon le fondateur du Cran, Patrick Lozès, « Cet album renvoie à une époque, heureusement révolue, où il était acceptable de considérer les Noirs comme des êtres inférieurs. » Il estime que la présence de cette préface est une avancée nécessaire pour expliquer le contexte et les problématiques de l’époque aux jeunes lecteurs.

Un éclairage nécessaire

La réédition de « Tintin au Congo » avec une préface explicative met en lumière l’importance de contextualiser les œuvres artistiques du passé. Cette démarche soulève des questions sur la manière dont nous abordons les œuvres créées à une époque où les normes sociales et culturelles étaient différentes. Tout en suscitant des débats, cette nouvelle édition offre une opportunité de réfléchir à notre compréhension de l’histoire et de l’art, tout en rappelant les complexités de la colonisation et ses conséquences.

Algérie Focus

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